Du féminisme de combat au féminisme de la terre brûlée

Ces dernières semaines ont vu naître dans notre pays déjà meurtri une atmosphère délétère , une cacophonie de jugements expéditifs et de condamnations sommaires y fait rage, il nous paraît donc indispensable que d’autres voix s’élèvent et y répondent : celles d’hommes et de femmes, militants et sympathisant LFI/Nupes, des citoyens, des féministes. Comme la très grande majorité des concitoyens que nous rencontrons au cours de nos actions militantes, nous sommes horrifiés du lynchage incroyablement féroce que l’on fait subir à un homme, Adrien Quatennens, qui a failli et l’a reconnu.

Il ne s’agit pas pour nous de minimiser la gravité de son geste, lui-même n’y a jamais songé.

Il ne s’agit pas non plus de prétendre que cet acte doive rester sans conséquences, il y a fait face de son propre chef.

Ce que nous n’acceptons pas, c’est cet insoutenable acharnement à réduire Adrien -son engagement militant, son travail au sein du mouvement, son dévouement -à ce geste. Car c’est bel et bien de cela qu’il s’agit : depuis plusieurs semaines, un déluge d’imprécations -venant parfois de notre propre camp – s’abat sur cet homme qui pourtant a reconnu son acte. S’il est vrai que chacun a un ”cadavre dans son placard”, le tort d’Adrien a-t-il, été en réalité d’en révéler le contenu, de l’exposer à tous, sans circonvolutions ni euphémisme ? Est-ce pour cette honnêteté qu’on l’affuble du stigmate indélébile d’homme violent ?

Ce que nous ne tolérons pas, c’est cette essentialisation – celle-là même que combattent les féministes lorsqu’elles promeuvent la cause des femmes – qui fait de cet homme la victime expiatoire dont le sacrifice symbolique nourrira un combat confinant désormais au dogmatisme, voire au fanatisme.

Ce que nous refusons c’est cette grille de lecture rudimentaire, ce ”prêt-à-penser” tout terrain qui sous-tendent la posture de pureté morale de ces Torquemada et autres Savonarole du pauvre, posture qui serait risible si elle n’était pas si dévastatrice. Nul ne songerait à nier les ravages du patriarcat, peut-on pour autant ranger cet acte au même rang qu’un viol ou un féminicide , sous prétexte que la domination masculine est systémique ? Entre autres écueils, Cette malhonnêteté ou cette paresse intellectuelle, ne revient-elle pas à bafouer, justement, toutes les victimes de viol ou de féminicides ? En effet, peut-on vraiment croire que ce féminisme ”de la terre brûlée” ait à cœur l’intérêt des femmes, lorsqu’il ne respecte pas, en cette occurrence, leur volonté légitime et clairement énoncée de préserver leur intimité ? Cette intrusion -cette effraction -ne constitue-t-elle pas un viol symbolique ? N’est-elle pas une instrumentalisation de qui l’on prétend défendre ? Et nous ne parlerons même pas de la façon stupéfiante dont on voue aux gémonies ceux qui osent énoncer cette évidence : tout ne se vaut pas, il existe dans le droit une gradation des actes et des peines.

À ceux et celles qui prétendent incarner l’alpha et l’oméga de la lutte pour les droits des femmes, nous disons que nous ne leur reconnaissons pas celui de confisquer le concept même de féminisme. Nous affirmons que nous nous désolidarisons sans la moindre réserve ce qu’ils et elles ont fait de ce magnifique combat, et nombreuses sont les femmes qui, le cas échéant, refuseraient qqu’ils entreprenent de les défendre.

Nous ne doutons pas que certains d’entre eux soient sincères dans leur indignation, à ceux-là qui croient brandir l’étendard de la justice, nous demandons de comprendre qui rien ne se construit sur les ruines de plusieurs vies, dont celle d’une femme qui demande le respect de sa vie privée et non pas d’être d’autorité instituée ”victime”, un statut dans lequel elle ne se reconnaît visiblement pas.

Quant aux autres, nous leur affirmons que nous ne sommes pas dupes. Nous tenons à leur faire remarquer que leurs méthodes, qui consistent à jeter un discrédit public sur des individus que l’on empêche de faire face à leurs accusateurs (voire même de connaître la teneur exacte des accusations dans un cas), n’ont rien à envier au McCartyisme, de sinistre mémoire.

Il en découle tout naturellement une interrogation : Pourquoi un tel déferlement de violence, un tel acharnement à mener cette campagne de démolition contre cet homme alors que tant d’autres, coupables de bien pire, occupant parfois des postes de pouvoir politiques ou médiatiques, coulent des jours étonnamment tranquilles ? Est-il vraiment la cible ou, à travers lui – personnalité phare au sein d’un mouvement qui a fait 22 % aux présidentielles -est-ce un autre but, moins avouable et encore plus destructeur, que l’on poursuit ?

Katia KDA
A propos

Militante insoumise et insoumise tout court, s'efforçant de penser avec sa propre tête plutôt que de hurler avec les loups

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